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Interview avec Nicolas Onissé, agent sportif

S’il y a bien un métier qui est de plus en plus important dans le monde du football moderne, c’est bien l’agent sportif. Mais qui sont-ils vraiment ?Souvent tapis dans l’ombre, on entend parler d’eux principalement pendant les périodes de mercato. Pourtant, agent sportif, c’est un métier qui se pratique toute l’année. Et ce n’est pas Nicolas Onissé, agent sportif chez SportBack, qui dira le contraire.

Bonjour Nicolas, serait-il possible de te présenter ?

Bonjour ! Je suis Nicolas Onissé, français de 42 ans. J’exerce l’activité d’agent sportif, enfin le terme exact est « Intermédiaire » depuis que la licence FIFA n’existe plus ; le métier consiste à accompagner des footballeurs dans leur carrière. Ma société s’appelle SportBack et même si c’est ma tête qu’on voit le plus je suis entouré de sept supers collaborateurs et amis. Nous travaillons principalement sur le marché européen et sommes structurés avec plusieurs filiales ou bureaux sur la planète football : Belgique, Ghana, Sénégal, Dubaï et Maghreb. Nous avons également un collaborateur en France et un au Cameroun ainsi que des partenariats privilégiés dans plusieurs pays intéressants (Pays de l’Est, Chine, etc.). SportBack est connue en Europe pour son travail sur le continent africain (12 internationaux à la dernière CAN) mais nous accompagnons aussi plusieurs joueurs français et belges de premier plan.

Quelle a été ta formation avant de devenir agent ?

Je viens du monde des affaires, du commerce. Je suis un amoureux du sport, mais paradoxalement, je n’ai jamais joué au foot. J’ai pratiqué l’athlétisme et le rugby, j’ai fait un sport-études athlétisme au lycée Blaise Pascal à Clermont-Ferrand puis j’ai quitté la métropole pour m’installer à l’Ile de la Réunion où j’ai vécu 22 ans. Je suis un autodidacte ; j’ai travaillé longtemps dans le commerce et le négoce, j’ai créé ma première entreprise à 26 ans et dirigé plusieurs sociétés par la suite. J’ai un pied dans le monde du football depuis une dizaine d’années et la signature du premier contrat professionnel de Dimitri Payet à Nantes (saison 2006-2007), puis j’ai mis le deuxième pied dedans en obtenant la licence d’agent en 2011.

Est-ce que le rôle d’agent se limite vraiment à être un intermédiaire entre un club et un joueur, comme cela pourrait-être caricaturé, où le métier est bien plus complexe ?

Chez SportBack la devise c’est « Le patron c’est celui qui tape dans le ballon » comprenez que le plus important est toujours le joueur, il est l’acteur sans qui nous n’existons pas, il est décisionnaire, il est au centre de nos attentions et nous mettons nos compétences à son service pour l’accompagner dans sa carrière et lui permettre d’atteindre ses objectifs. En conséquence, non, le rôle d’agent ne se limite pas à travailler uniquement durant les deux périodes de mercato, loin de là. C’est un travail au quotidien, ce qu’on fait varie selon les périodes de l’année et même de la semaine, il faut être proche des joueurs placés sous votre « égérie », regarder leurs rencontres, communiquer et échanger avec eux, ainsi qu’avec leurs familles, débriefer les matchs, régler les éventuels problèmes qui perturbent leur quotidien, etc… et ça c’est pendant toute la saison. Nous accordons aussi chez SportBack une place très importante à la préparation mentale. Je m’inspire pas mal d’une citation de Maurice Blondel qui dit : « L’avenir ne se prévoit pas il se prépare. ».  Nous préparons donc les joueurs au meilleur avenir possible. Parallèlement, il faut bien entendu développer votre réseau de clubs, de Présidents, de directeurs sportifs, d’entraineurs ou même de confrères qui ont la relation avec le club qui pourrait être intéressé par un de vos joueurs. Dans tous les cas, il faut passer du temps au bord des terrains, dans les clubs et dans les stades, pour voir évoluer les joueurs, créer du lien avec les dirigeants de clubs, gagner leur confiance tout en caressant l’espoir de découvrir de nouvelles « pépites ».

Pourquoi s’être spécialisé dans le football belge ?

Je ne pense pas m’être spécialisé sur la Belgique, nous avons aussi des joueurs en France, en Angleterre et en Espagne, c’est juste un des pays ou j’ai le plus de joueurs pros et donc un bon réseau. Il se trouve que j’adore la Belgique et son football a pris un bel envol ces dernières années ; l’équipe nationale montre de belles choses et c’est tout un pays qui profite de cette dynamique : on observe plus de sérieux de la part des clubs, qui sont de plus en plus reconnus et respectés. On observe également de belles choses au niveau de la formation des joueurs, le championnat est aujourd’hui attractif et surtout très suivi par les scouts des grands championnats, ce qui est en fait un vrai beau tremplin. Pour notre métier, les droits TV étant assez faibles en Belgique, les clubs se doivent de vendre, et donc d’acheter des joueurs au mercato, il y a donc généralement beaucoup de mouvements lors des périodes de transfert. Enfin, le championnat belge donne peut être plus facilement sa chance aux jeunes talents, et propose plusieurs initiatives intéressantes, comme le fait de bloquer une partie du salaire du joueur pour son après-carrière (assurance groupe), histoire que les joueurs ne finissent pas sans argent, comme cela arrive trop souvent, quelques années après la fin de carrière.

Chez SportBack, vous êtes également très axés football africain. Pourquoi ce choix ?

Je suis un amoureux de l’Afrique, de l’atmosphère et la mentalité. Je suis domicilié dans l’océan indien depuis 24 ans, et la proximité avec le continent africain me permet d’être facilement dans n’importe quel pays africain via Johannesbourg ou Nairobi. Ensuite, c’est un continent que je pense bien connaître, sur lequel j’ai toujours travaillé, que ce soit dans le domaine du football ou pas. De plus, l’Afrique est un continent qui regorge de talents. Le football est l’ascenseur social le plus rapide en Afrique, c’est donc toujours une grande fierté et un immense plaisir de sortir un jeune joueur africain, surtout quand on sait ce que ça engendre généralement ensuite pour toute sa famille et parfois même pour tout le village du joueur. Je trouve aussi que la fidélité et la reconnaissance pour notre travail est plus grande de la part des joueurs africains, ils n’oublient pas ce que vous avez fait pour eux et ne vous trahissent pas pour partir avec le premier beau parleur ou vendeur de rêve qui passe.

Comment se passent les périodes de recherche de joueurs ?

Déjà, nous ne sommes pas en permanence en quête de joueurs. Il ne faut jamais oublier le volume de travail que chaque joueur demande et donc rester lucide sur notre capacité à intégrer ou pas de nouveaux talents. Quand on choisit de travailler avec un joueur, c’est évidemment pour se donner à fond sur son dossier et rendre par notre travail la confiance dont nous honore le joueur, nous ne signons pas de joueur pour empiler les mandats et attendre que les clubs appellent, donc on ne décide pas d’intégrer à notre portefeuille de joueurs tous ceux qui nous sollicitent. En Europe notre recrutement se fait surtout par le bouche à oreille et sur les recommandations de nos joueurs. En Afrique, nous nous déplaçons et organisons des détections, puis des tournois grâce à nos bureaux sur place, une fois qu’on a un coup de cœur pour un joueur, on essaye de le voir et le revoir le plus souvent possible afin d’avoir des confirmations puis des certitudes. Enfin une ou deux fois par an, nous invitons des clubs européens à nous accompagner en Afrique pour des tournois où ils peuvent voir les meilleurs et éventuellement inviter les joueurs détectés dans leurs clubs pour des essais. S’ils donnent satisfaction, l’aventure du football pro en Europe peut alors démarrer pour eux.

Combien de joueurs évoluent « sous ton égérie » ?

Nous avons 50 joueurs sous contrat Sportback, dont environs 35 joueurs pros.

Comment se passe une journée-type lors du mercato ?

Une journée type de mercato c’est beaucoup de temps au téléphone ou en rendez vous dans les clubs et très peu de sommeil, il faut dormir avant ou après le mercato, car pendant, les nuits sont courtes ! On essaye généralement de prendre contact avec un maximum de clubs un bon mois avant l’ouverture du marché pour connaître leurs besoins, histoire de se faciliter la tâche durant la période fatidique. On se déplace énormément, que ce soit pour voir un joueur, le staff d’un club, ou idéalement pour finaliser le transfert. C’est une période ou les joueurs qui risquent de changer de clubs ont besoins de sentir que vous travaillez activement sur leur dossier, c’est stressant pour les joueurs, il faut donc beaucoup communiquer avec eux. Puis lorsque les clubs trouvent un accord de transfert, et qu’on a fini de négocier les conditions salariales, on accompagne les joueurs à la traditionnelle visite médicale puis à la signature de leur contrat dans leur nouveau club, on fait une belle photo et c’est fini pour la partie visible de l’iceberg. Mais notre travail ne s’arrête pas là, car ensuite il faut installer le joueur dans sa nouvelle vie : appartement, déménagement, voiture, assurances, etc. Cela fait aussi partie du métier d’agent et c’est même très important pour que l’intégration du joueur dans son nouveau club soit efficace et rapide.

Pour finir, as-tu réalisé un transfert dont tu es très fier aujourd’hui ?

Je suis fier de tous les transferts qui ont permis aux joueurs de vivre de leur passion, de continuer à progresser et ainsi avancer dans leur carrière. Pour avoir la certitude que c’était vraiment un bon transfert tu es obligé d’attendre le transfert suivant du joueur, c’est à ce moment là que tu peux juger si le club ou tu l’avais placé était la bonne étape pour sa carrière et lui aura permis de rebondir, d’aller toujours plus haut et d’être transférer dans un meilleur club. Mais puisque vous me demandez d’en choisir un parmi tous dont je suis très fier, je vais dire Dakonam Ortega Djene, international togolais, qui évolue à Alcorcon (D2 Espagnole) depuis 2 ans. J’ai fait venir Djene en Europe 3 fois avant de réussir à signer à Alcorcon. Il a fait des essais à Lens, à Bastia et même à Cologne en plein hiver ; à chaque fois il y’avait quelque chose qui bloquait la signature, mais j’étais convaincu de son immense talent depuis la première fois ou je l’ai vu jouer, je n’ai donc pas lâché, tout comme lui qui m’a crédité d’une confiance sans faille. Jusqu’à ce que ce club espagnol accroche et lui donne sa chance. Aujourd’hui, il est considéré comme un des trois meilleurs défenseurs de la Liga Adelante espagnole, il vient d’enchainer plus de 50 matchs professionnels en 2 saisons et c’est maintenant un joueur très convoité pour la prochaine période de mercato. Ce transfert confirme en tout cas trois choses importantes : d’une, lorsqu’on croit en quelque chose, il ne faut jamais rien lâcher. De deux, même si ça doit prendre du temps, il faut savoir rester patient. Et trois, le plus important pour un joueur est de jouer, pour progresser et être vu.

À propos Hugo Girard

Amateur de football depuis une certaine finale Milan-Liverpool, j'ai quand même réussi à louper la Coupe du Monde 98. Aujourd'hui, le Borussia Dortmund me fait vibrer, au même titre que le Clermont Foot et la Ligue 2 en général. Un bipolaire footballistique donc.

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