L’Edito de Coco #11 : Pourquoi l’Argentine risque-t-elle d’être le flop de la Coupe du Monde 2018 ?
Finaliste de la dernière édition au Brésil, l’Argentine fait partie des prétendantes au titre final, cet été en Russie. Pourtant, l’Albiceleste n’a rarement été aussi proche d’une déconvenue nationale sur le plan sportif. L’horizon d’une fin de cycle se rapproche, elle qui n’a jamais manqué une phase à élimination directe depuis 2002. Explications.
Une qualification difficilement obtenue
Contrairement à la plupart des grosses écuries – excepté l’Italie qui ne participera pas au Mondial – l’Argentine est la seule nation à avoir connu des éliminatoires compliqués. Les difficultés des Argentins étaient telles que, avant la dernière journée des éliminatoires, leur participation au Mondial était fortement compromise. Si Italie et Coupe du Monde feront deux cet été, Argentine et irrégularités sont unis par les liens sacrés du football depuis la prise de fonction de Jorge Sampaoli.
Le début de la campagne des qualifications est catastrophique : seulement 2 points obtenus sur 9 et des contre-performances à domicile contre l’Equateur (0-2) et chez le Paraguay (0-0). Pour contraster, les hommes de Sampaoli obtiennent le point du match nul face au Brésil (1-1) dans la foulée, avant d’enchaîner 4 victoires consécutives, et non des moindres : Colombie (0-1), Chili (1-2), Bolivie (2-0) et Uruguay (1-0). Comptablement, le bilan est plus que positif. Mais dans le contenu, les prestations individuelles et collectives sont assez alarmantes, l’Argentine concédant deux fois plus de tirs qu’ils n’en ont tentés contre la Colombie, le Chili et l’Uruguay (31 tirs contre 15 !).
La suite des éliminatoires ressemblera à des montagnes russes entre doutes et espoir, avant la dernière journée des qualifications « AmSud » pour la Coupe du Monde de la FIFA, Russie 2018™. Sixième à une journée de la fin, l’Argentine n’a pas son destin en main. Les quatre premiers sont directement qualifiés en Russie et le 5ème jouera un match de barrage contre la Nouvelle-Zélande. Pour cela, elle doit s’imposer en Equateur et espérer conjointement un faux pas du Chili et un match nul entre la Colombie et le Pérou. Menée 1-0 dès la 1ère minute de jeu, l’Argentine voit la Russie s’éloigner. Mais c’était sans compter sur son petit génie qui y alla de son triplé pour donner les 3 points à son pays (1-3). Dans le même temps, le Chili s’incline 3-0 au Brésil et la Colombie et le Pérou font 1-1. Troisième, l‘Argentine est finalement qualifiée mais arrive en Russie avec de grosses incertitudes avant le début du Mondial.
Un plan de jeu limité
4-3-3, 3-4-2-1, 3-3-3-1, 4-4-2, 4-4-1-1, 2-3-5, 4-2-3-1… Ce ne sont pas les résultats dans l’ordre des courses à l’hippodrome de Vincennes mais bien tous les schémas tactiques testés par Jorge Sampaoli depuis sa prise de fonction (il y a seulement un an). Même si le 4-2-3-1 a été le plus utilisé lors des éliminatoires et sur les derniers matchs amicaux, aucun schéma tactique de référence semble réellement se dégager. On peut alors se dire que le sélectionneur argentin compose en fonction de ses adversaires, ou qu’il a simplement perdu un pari en dévoilant un 2-3-5 défiant les lois de la gravité footballistique face à Singapour. Enfin, au-delà du schéma utilisé, c’est l’animation qui découle du plan de jeu qui est importante. Et c’est là où se situe le problème.
Pour faire simple, on pourrait avancer l’hypothèse que l’animation consiste à donner le ballon à Messi, en électron libre au poste de numéro 10, qui colmate les carences techniques de ses coéquipiers par une course, un décalage, une passe ou encore une frappe. Ce n’est pas tout à fait faux, mais ce n’est pas tout à fait vrai non plus. En attaque placée, Messi, souvent recherché, se place entre les deux lignes défensives adverses (la défense et les milieux récupérateurs) afin de se démarquer pour casser la première ligne défensive (celle des milieux défensifs). Si le Barcelonais ne parvient pas à être trouvé, l’Albiceleste passe alors sur les côtés, mais sont généralement confrontés aux blocs adverses qui coulissent bien et les bloquent dans les couloirs.
En attaque rapide, leur force réside dans leur pressing et leur récupération haute du ballon. Les Argentins excellent en contres mais font face à un autre problème de longue date : l’efficacité. Pour preuve, ils n’ont été que la 9ème meilleure attaque des éliminatoires (sur 10, avec 19 buts en 18 matchs ex-aequo avec le Paraguay et le Venezuela). Soit un ratio à peine supérieur à un but par match. Inquiétant.
Un groupe D plus relevé qu’il n’y paraît
Dans la poule D avec la Croatie, le Nigeria et l’Islande, l’Argentine fait figure de favorite. Mais faire figure de favorite n’a jamais garanti une qualification en huitièmes de finale pour autant.
Tout d’abord, la Croatie : elle ne fait pas encore partie des « top nations », mais l’Argentine en fait-elle partie à l’heure à laquelle on se parle ? Clairement non. Ce sont ces équipes que l’on peut qualifier d’outsider, qui peuvent encore perdre quelques points face à plus faible mais qui peuvent aussi surprendre plus gros. Mais à l’inverse de l’Argentine qui est sur une pente descendante, la Croatie ne cesse de progresser au fur et à mesure des années. Par ailleurs, lors de l’Euro 2016, les Croates avaient terminé premiers de leur poule devant l’Espagne en les battant lors de la dernière journée (2-1) ! Ils peuvent donc se porter en candidat crédible pour la première place du groupe.
Si le titre honorifique du plus beau maillot reviendrait au Nigeria pour ce Mondial, les qualités intrinsèques de leur effectif ne leur permettent pas, en revanche, de prétendre au titre du plus beau jeu pratiqué. Éliminés par la France en huitième de finale lors de l’édition 2014, les Nigérians avaient déjà affrontés les Argentins en phase de poule. L’Albiceleste s’était finalement imposée 3-2 dans un match spectaculaire. Plus récemment en novembre 2017, les deux équipes s’étaient affrontées à nouveau dans un match amical délocalisé à Krasnodar en Russie. Mais cette fois ce sont les Super Eagles qui se sont imposés 4-2 alors qu’ils étaient menés 0-2. Auront-ils les épaules pour se qualifier en huitièmes ? Cela paraît compliqué. Peuvent-ils gêner les hommes de Sampaoli sur un match ? C’est plus probable.
Enfin, l’Islande. Surprise de l’Euro 2016, l’Islande est une nation de plus en plus grandissante à l’échelle footballistique. Tout comme lors de l’Euro il y a deux ans, ce sera sa première participation à une Coupe du Monde dans son histoire. Réputés pour leur engagement physique, les Islandais ont néanmoins d’autres qualités louables. Les hommes de Hallgrimsson défendent en bloc bas, coulissent ensemble, et laissent généralement les adversaires faire le jeu. Les Islandais procèdent alors par contres et sont redoutablement efficaces devant le but, avec un ratio tirs cadrés/buts relativement élevé… Tout l’inverse des Argentins.
L’Albiceleste n’arrive pas avec les meilleures garanties pour cette édition 2018, qu’elles soient offensives, tactiques ou même humaines. Ce groupe D a l’air de tout sauf d’une formalité et pourrait rapidement se transformer en piège pour les hommes de Jorge Sampaoli, pas exempt de tout reproche lui non plus. L’Argentine saura-t-elle me faire mentir ? Réponse dès samedi 16 juin 15:00.