Marie-Ève Normand, « la mamie du kop » vibre en rouge et noir
À 68 ans, Marie-Ève Normand supporte plus que jamais le club de football de l’En Avant de Guingamp (EAG). Une équipe qu’elle suit avec ferveur, à domicile et à l’extérieur depuis 30 ans.
Jour de match. Guingamp accueille Montpellier pour les 16ème de finale de la Coupe de la Ligue. Chez Marie-Ève Normand, 68 ans, et fidèle supportrice d’En Avant, l’heure est à la préparation. Quatre heures avant le début du match, maillot, veste et écharpe rouge et noir de l’EAG attendent déjà sur le canapé. Marie-Ève habite à Plougonver à vingt minutes de sa deuxième maison, le stade de Roudourou. Sur le pas de sa porte : drapeau du club et autocollant sur la boite aux lettres. Le décor est planté. La vie de cette grand-mère aux cheveux blonds se résume à Guingamp. Elle supporte l’équipe depuis des années, à tel point qu’elle ne se rappelle même plus quand elle a commencé à les suivre. « Ça doit faire environ 30 ans parce que les premiers matchs à Guingamp je les ai vus dans l’ancien stade, Yves-Jaguin !, s’exclame cette sexagénaire passionnée de football. Je suis tombée dedans grâce à mon mari. Il jouait au foot et j’allais le voir. Mes six garçons ont également joué au foot, je les emmenais donc aux matchs. »
Vingt ans de bénévolat
Une passion pour le ballon rond qui l’a vite amenée à découvrir le club de l’En Avant de Guingamp. Elle a tout de suite accroché à l’ambiance, à l’aura autour du club. « C’est un club familial, décrit-elle avec des yeux bleus pétillants. J’assiste à tous les matchs à domicile et je me déplace également avec le kop. Je fais tous les matchs à l’extérieur sauf Monaco, Nice, Marseille et Lyon parce que c’est loin et que ça coûte cher. »
Pour être dans l’ambiance du club, Marie-Ève décide de devenir bénévole en 1996. « J’ai fait les entrées, la fouille et j’ai fini en décembre 2016 au local des bénévoles où je servais le café », raconte-t-elle avec nostalgie. Aujourd’hui, l’abonnée n’imagine pas rater un match. Et quand elle se rend au stade, le rituel est toujours le même : « J’arrive environ une heure avant le coup d’envoi. Je passe au local des bénévoles dire bonjour et ensuite au local du kop. L’ambiance que nos supporters mettent est superbe. Quand on part en bus pour les déplacements, ils me réservent ma place à l’avant. Ce sont de gentils garçons qui m’accueillent très bien. Ils m’appellent la mamie du kop », se réjouit-elle.
Une mamie qui a tout connu avec Guingamp : le National, la Ligue 2, la Ligue 1, la Coupe d’Europe. Mais, un de ses meilleurs souvenirs reste les deux finales de Coupe de France. « L’ambiance était grande. En plus, on a battu Rennes (ndlr : les rivaux de Guingamp) deux fois. Ça ajoute une saveur particulière et encore plus en 2009 parce qu’on était en Ligue 2 à l’époque », précise-t-elle. Véritable encyclopédie du club, elle se rappelle des matchs, des entraîneurs, des joueurs qui ont porté le maillot rouge et noir. « J’en ai vu passer : Michel Trémel, Coco Michel, la paire Drogba-Malouda …, énumère Marie-Ève. Ces deux-là, c’étaient des vedettes ! Mais dans mon coeur, aucun joueur n’est au-dessus de l’autre. Pour moi, ils sont tous marquants. C’est ça Guingamp. C’est une équipe », insiste-t-elle. Une supportrice amoureuse de son équipe à tel point qu’elle est devenue Kalon au printemps dernier. Être Kalon, c’est entrer dans le capital de l’En Avant Guingamp. Le club des Kalon est le 143ème actionnaire de l’EAG. Il réunit plus de 15 000 personnes qui ont investi 40 euros. En guise de récompense le club a construit un mur des Kalon au pied du Roudourou où seront affichés les noms de tous les Kalon. « C’est plus un geste symbolique mais c’est une bonne idée, ça montre que les supporters valent quelque chose », estime la Kalon n° 11 390. Une acharnée de Guingamp donc mais aussi du foot en général : « Je suis abonnée à Canal et beIN, je regarde les autres matchs de Ligue 1. Je suis une mordue de foot. Quand il n’y a pas de match je m’ennuie. Cet été, il y a eu deux mois sans foot, j’ai eu un manque », avoue la petite dame.
Place dans le kop
Pour ce Guingamp-Montpellier, Céline, la sœur aînée de Marie-Ève, l’accompagne. « Sa passion pour Guingamp est magnifique, déclare sa sœur. C’est si débordant qu’elle m’a convertie, ça fait quatre ans que je viens au stade avec elle. » Elles s’installent à gauche du kop, bloc B place L34 et L35. À l’annonce de la composition d’équipe, Marie-Ève scande le nom des joueurs malgré sa voix fluette. Quand le speaker annonce le prénom d’un joueur, Marie-Ève répond en donnant le nom du joueur et ça, sans jamais se tromper.
S’ensuit l’hymne du club qu’elle entonne de bon cœur, écharpe tendue. Une vraie supportrice. Sur le terrain, ses joueurs sont à la peine. Alors, elle se décide à suivre le rythme imposé par le kop, en tapant dans ses mains pour encourager les joueurs. Ses joueurs, elles les appellent par leur prénom. « Jeremy (Sorbon), je l’aime bien. Il est calme, il me rassure », glisse-t-elle après une intervention du défenseur. Elle apprécie également le jeu d’Eboa Eboa, un joueur dont elle porte le maillot. « Chaque début de saison, j’achète deux maillots : un domicile, un extérieur. Je les floque au nom des recrues. Cette année, j’ai choisi Eboa Eboa et Thuram. On pourrait croire que j’ai plein de maillots chez moi mais beaucoup sont partis avec mes enfants ou petits-enfant », constate-t-elle, toujours avec le sourire. Tiphaine Le Mevel fait partie des 16 petits-enfants de Marie-Ève. « Je me rappelle qu’en période vacances j’allais au stade avec ma grand-mère alors que je n’avais que 6 ans. Grâce à elle, j’adore aller au stade encore aujourd’hui. Elle m’a fait aimer Guingamp donc oui , il m’arrive de lui prendre des maillots », ajoute sa petite-fille.
Si Marie-Ève aime Guingamp, c’est aussi pour le jeu que l’équipe propose. Mais ce soir, son équipe l’a déçoit. À la mi-temps, Guingamp est mené 1-0. « On n’est pas bon, il y a quelque chose qui ne va pas devant, pareil au milieu. On voit que certains n’ont pas joué depuis longtemps. », commente-t-elle avec un œil d’experte. La fin match approche et Guingamp perd toujours. Marie-Ève commence à s’inquiéter de l’inefficacité de ses joueurs et à pester contre l’arbitre. « La deuxième mi-temps est mieux mais si on continue comme ça, on va en prendre un deuxième. » La supportrice ne se trompe pas. Quelques minutes plus tard, Guingamp encaisse un deuxième but synonyme de défaite et d’élimination. Même réaction que sur le premier but « Ah mince ! », s’exclame-t-elle en se frappant les mains de dépit. « Montpellier n’est pas une équipe facile à prendre. En plus, on a pas fait un bon match », analyse t-elle. Guingamp défait, Marie-Ève affiche sa déception. « J’en ai vu d’autres, des défaites, je ne vais pas m’arrêter de supporter Guingamp pour autant » Elle relativise : « Ce n’est que de la Coupe de la Ligue, le match le plus important, c’est samedi en championnat contre Amiens. » Et si le résultat du match est incertain, une chose est sûre : Marie-Ève ira chanter pour supporter « ses Guingampais ».