Didier Ollé-Nicolle : « On ne se fixe aucune limite »
Entraîneur de l’US Orléans depuis décembre 2016, Didier Ollé-Nicolle nous a accordé une interview, à l’occasion du stage de son équipe à Vichy, dans l’Allier. Le natif de Belley revient avec nous sur sa carrière, et sur la saison à venir à l’USO.
On vous connaît beaucoup en tant qu’entraîneur, mais quel a été votre parcours de joueur ?
J’ai découvert le football en Bretagne, où j’ai joué dans un petit club amateur. À 16 ans j’ai été sélectionné en équipe de France Scolaire (U16 et U17 aujourd’hui), où j’ai joué le championnat d’Europe deux années de suite, en Espagne et en Angleterre. En Angleterre, l’équipe finit deuxième après une défaite face à l’Italie. J’ai ensuite été contacté par plusieurs clubs français, comme Lyon, qui avait Aimé Jacquet comme responsable du centre de formation, le FC Nantes et le SCO d’Angers. J’ai choisi ce dernier, car c’était le seul qui me permettait de continuer mes études, et était également très proche de la Bretagne. J’ai donc obtenu un master d’économie quand jouais au SCO, en D2. J’y suis resté sept ans, avant que le club ne dépose le bilan. Je suis donc retourné vers chez moi, à Annecy (Didier Ollé-Nicolle est originaire de Belley, dans l’Ain, ndlr), qui jouait alors en D4. Le club est monté en D3, mais a également déposé le bilan.
Et en tant que coach ?
J’ai commencé à découvrir ce monde à Raon-l’Étape, où je travaillais à côté. Je suis resté neuf ans à Raon, où nous avons connu cinq accessions, jusqu’à arriver en National. Suite à ça, Valenciennes et son président Jean-Louis Borloo ont pris contact avec moi, alors que le club était en difficulté après l’affaire VA-OM. J’ai repris le club en CFA, nous sommes montés en National puis en Ligue 2. Après, j’ai fait deux années à Nîmes, avec notamment une épopée en Coupe de France (en 20015/05) où nous étions allés en demie-finale, après avoir éliminé Saint-Etienne, Ajaccio, Nice et Sochaux, alors que jouions en National. Nous avions perdu face à Auxerre, futur vainqueur de la Coupe de France (face à Sedan, ndlr). J’ai ensuite été à Châteauroux, puis à Clermont, où je suis resté trois ans. J’ai commencé l’aventure en Auvergne en National, puis le club est monté. On a failli accéder à la Ligue 1 puisque nous finissons cinquièmes, avec de jeunes joueurs. Nous avions des joueurs comme Bruno Grougi (aujourd’hui à Brest), Lesoimier (qui a fini sa carrière à Ploiesti, en Roumanie), Joris Marveaux (Montpellier), Mickaël Poté (Apoel Nicosie, Chypre) ou encore Mehdi Benatia (Juventus Turin). Ce sont des joueurs qui ne s’étaient pas imposés dans leurs clubs en Ligue 1, et qui ont ensuite fait de belles choses. Grâce à ces trois années, j’ai pu avoir des contacts dans des clubs de Ligue 1, et j’ai choisi Nice. (Ajoutez à cela Colmar lors de la saison 2015/16, oublié par Didier Ollé-Nicolle)
Après avoir été contraint de quitter Nice, vous avez un peu plus voyagé
Après mon éviction, moins d’un an après mon arrivée, je suis parti à l’étranger. En Suisse, j’ai repris le club de Neuchâtel Xamax en position de relégable, mais le club s’est finalement maintenu, avec en prime une qualification pour la finale de Coupe de Suisse. Après, à Chypre, j’ai rejoint l’Apollon Limassol où nous nous sommes qualifiés pour l’Europa League. De retour en France, j’ai pris les rênes de Rouen, alors en National. Nous avons réussi à monter en Ligue 2, mais la DNCG nous a refusé l’accession, et a rétrogradé le club jusqu’en DH. J’ai alors décidé de recontacter Claude Michy pour lui suggérer de recruter deux joueurs rouennais : Damien da Silva (aujourd’hui à Caen) et Rémy Dugimont (meilleur buteur et passeur du Clermont Foot en 2016/17). On s’est battus pour que tous les joueurs retrouvent un club. Ensuite, je suis parti entraîner la sélection du Bénin, avant de revenir à Orléans. Là encore, clin d’œil du destin, puisque j’ai assisté au dernier match de la phase aller, entre Clermont et Orléans. Après une défaite 3-0, le président d’Orléans, M. Boutron, a discuté avec Claude Michy (président de Clermont), et 48 heures après je m’engageais avec l’USO.
Avec le recul, vous n’avez pas de regrets de ne pas avoir joué au plus haut niveau ?
Non, car je ne pense pas que j’avais les qualités pour jouer dans des clubs comme Nantes ou Lyon. Moi, j’étais un joueur de Ligue 2, milieu défensif, mais je n’avais pas la qualité technique pour faire une meilleure carrière que ça en Ligue 1. Au contraire même, j’ai pu vivre ma passion du foot dans un club et une région très sympa. Ça m’a permis de continuer mes études et d’assurer ma vie d’homme par la suite, parce qu’il y a le foot, mais il y a aussi d’autres choses. Quand j’ai eu des moments difficiles, j’étais content d’avoir des diplômes, de pouvoir travailler à côté. Si un jour le foot me gave, j’ai certaines aptitudes pour faire quelque chose d’autre.
Cette saison, vous serez encore un des plus petits budgets de Ligue 2. Partant de là, quels seront vos objectifs ?
Déjà, nous ne nous sommes pas fixés d’objectifs. On a renouvelé une bonne partie de l’équipe, avec quinze nouveaux joueurs. Si j’ai accepté Orléans l’an passé, c’est car tout est très semblable à Clermont, que ce soit au niveau de la ville, mais également du club. Quand je suis arrivé à Clermont, c’était difficile parce que le club venait de descendre en National, et c’était difficile économiquement. On était donc repartis avec des jeunes, pour bâtir un projet intéressant pour le club. Aujourd’hui, Clermont s’est stabilisé en Ligue 2, un centre de formation qui s’est créé, donc le projet s’est réalisé. J’en suis fier, car c’est un club qui m’est cher, avec un président que j’apprécie beaucoup. Et bien l’idée à Orléans, c’est de faire la même chose. On ne veut pas faire des noms ronflants, ne pas prendre de risques financiers. Aujourd’hui, on a une petite dizaine de joueurs qui ont moins de 21 ans. On veut des joueurs qui bosseront sans doute plus que dans d’autres clubs, car ils seront en post-formation, et qu’ils ont encore beaucoup de choses à apprendre. Le prix à payer, c’est une certaine immaturité et inexpérience, donc on s’attend à avoir des moments compliqués cette saison. Mais on a pris ce pari-là avec le président. L’objectif pour construire quelque chose, c’est de se maintenir, et après, on ne se fixe aucune limite.
Malgré cela, vous vous êtes fait prêter des joueurs prometteurs de clubs de Ligue 1, comme Perrin, d’Arpino de Lyon, ou Poha de Rennes. Pourquoi les intégrer au projet ?
L’idée, c’était donc de créer un groupe avec beaucoup de jeunes, en se faisant prêter quatre/cinq joueurs qui ont une certaine culture du très haut niveau. Eux, ils viennent pour acquérir de l’expérience, gagner en temps de jeu et prouver des choses. Ça leur permet aussi de ne pas passer leur temps en CFA avec la réserve : désormais, il faut qu’ils s’affirment à un niveau professionnel. Si ces garçons là montrent qu’ils méritent la Ligue 1, ils y retourneront automatiquement. On sait que dans des clubs comme Paris ou Marseille, c’est difficile pour un joueur du centre de formation de s’imposer. Si la même chose arrive pour les joueurs de Lyon notamment (Gaëtan Perrin et Maxime d’Arpino), l’aventure d’Orléans peut durer plus qu’un an, s’ils travaillent bien et que le club leur plaît.
La saison dernière, vous avez vécu quelque chose de nouveau avec les barrages. Comment le groupe était préparé à ça ?
Ça a été très simple en fait. Quand je suis arrivé, le club était dernier et décroché. Pour tout le monde, Orléans était déjà en Ligue 2 à la trêve. Je savais que ça allait être périlleux, et la première chose que j’ai dit à l’équipe, c’est que le maintien se jouerait sans doute à la dernière minute du dernier match. À un moment donné, on a gagné six matchs sur sept, on était dans une très bonne spirale. Mais malheureusement à ce moment-là, la DNCG nous a retiré quatre points. Le club a alors replongé un peu, et ça a mis un vrai coup aux joueurs. Il restait deux mois de compétition, et l’objectif fixé était désormais simple : jouer les barrages. On savait qu’avec ce qu’on avait fait au cours de cette demie-saison, et l’écart de niveau entre la Ligue 2 et le National, cela jouerait en notre faveur. À partir du moment où nous étions capable d’aller emmerder des équipes du haut de tableau en Ligue 2, il n’y avait pas de raison de ne pas le réussir face au Paris FC. Ça a aussi été rendu possible grâce à l’engouement autour de l’équipe en deuxième partie de saison, et avec un stade plein pour les barrages.
Est-ce que vous étiez au courant des difficultés financières du club en arrivant dans le Loiret ?
Non, pas du tout. Les dirigeants m’avaient assuré le contraire. Je leur avait dit que s’il y avait des risques de rétrogradation ce serait non, je ne voulais pas me battre contre des montagnes, alors que le club était déjà en difficulté sportive. À ce moment-là, j’ai été déçu, et j’ai craint le pire pour l’équipe. Jusqu’au bout ça a été compliqué, on a du attendre le 12 juin pour avoir le feu vert de la DNCG. Jusqu’à l’audience, tout le monde était fébrile. On en a reparlé ensuite avec lui, mais ça, c’est de l’ordre du confidentiel.
Pourquoi avoir dit oui à ce projet justement ?
Déjà, le challenge sportif m’intéressait, dans un club de Ligue 2 en France qui plus est. Avec ma compagne, on est installé à Angers, à deux heures d’Orléans, et ça a aussi compté. J’ai aussi fait ce choix, car il y avait beaucoup de similitudes avec ce que j’ai vécu à Clermont. Les villes sont de même taille, et les dirigeants veulent bâtir un projet qui s’inscrit dans le temps. Aujourd’hui, je suis content d’être là, depuis deux semaines le groupe travaille bien.
D’autres recrues sont-elles attendues à Orléans ?
Un défenseur central oui. On discute pas mal, on a quelques pistes oui, mais on y travaille (le lendemain de l’interview, Cyriaque Louvion signait à Orléans, même si le transfert est en stand-by).
Vous avez connu plusieurs expériences à l’étranger, en Suisse, à Chypre et au Bénin, pourriez vous nous en dire plus ?
La première expérience que j’ai connu, c’est en Suisse, avec les Neuchâtel Xamax, en Première Division. Jouer contre des équipes comme Zürich, Bale, et c’est sans doute l’aventure que j’ai le plus aimé de toutes. C’est un football qui est méconnu, mais les trois premières équipes du championnat auraient la place pour jouer dans le haut du classement en France, la preuve avec Bale qui passe régulièrement des tours en Coupe d’Europe. L’autre partie du championnat a le niveau bas de classement de Ligue 1 / haut du classement de Ligue 2, donc c’est vraiment un championnat intéressant. Mais avec l’affaire des Tchétchènes, le club a fait faillite, et j’ai donc décidé de partir à Chypre. Là-bas, un jeune avocat qui a racheté le club de l’Apollon Limassol m’a contacté car il voulait un entraîneur français. Les conditions de vie étaient parfaites : là-bas, on a l’impression d’être en vacances tous les jours, avec une vraie chaleur autour du foot, avec des ambiances à la grecque ou à la turque. Mais malheureusement, la crise qui a touché la Grèce et Chypre a également touché le foot. Pour rebondir, j’ai dit oui au Bénin après avoir refusé plusieurs fois, car je m’attendais à pouvoir retrouver un projet en France. J’ai accepté, en là-aussi, en termes de culture, de développement, ça a été très intéressant à découvrir, même avec les affres du football africain que l’on connaît, au niveau de l’organisation notamment. Mais c’est un pays d’une richesse folle, mais que j’ai du quitter car la fédération ne me payait plus, et la FIFA m’a donc libéré.
Vous semblez regretter votre départ de Neuchâtel.
Oui, dans ma carrière, j’ai trois regrets. Le premier, c’est que l’aventure en Ligue 1, à Nice, n’ait pas été plus longue. Arriver à ce niveau quand on est pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche, c’est preuve qu’il a fallu beaucoup travailler. J’ai donc eu cette amertume, dure à digérer. Ça m’a fait du mal psychologiquement, et c’est pourquoi j’ai voulu partir à l’étranger quelques années. En Suisse, j’étais aussi bien qu’à Nice, mais les Tchétchènes sont arrivés, et ont fait couler le club en quelques mois. C’est une vraie déception, car que ce soit sur le niveau de vie ou le niveau du football, tout était satisfaisant. Mon dernier regret, c’est Rouen. La première saison, je parviens à emmener le club en Ligue 2 mais la DNCG nous refuse la montée, et rétrograde même le club. J’ai d’ailleurs eu peur de revivre ça à Orléans, réussir à motiver les joueurs pour finalement tout voir s’écrouler pour des problèmes administratifs.
Est-ce que vous suivez encore les clubs par lesquels vous êtes passés ?
Ah oui, tous. Dans tous les clubs, on a des gens avec qui on a travaillé qui sont devenus des amis. À Nice, j’ai toujours de bonnes relations avec des gens avec qui j’ai travaillé, comme Virigine (Rossetti, en charge de la communication) ou Nabil (Ouled-Gharbia, l’intendant). Avec Clermont, j’ai des rapports très agréables avec le président notamment. Je suis encore en contact avec le président de Limassol, qui m’a appelé pour me conseiller un joueur, Abraham Guié Guié, qui nous a rejoint à Orléans. Pareil avec les joueurs, j’essaye de leur parler souvent. Avec Rémy (Dugimont), on s’est parlé il n’y a pas longtemps, pareil pour Ousmane Cissokho de Nîmes. L’idée, quand Rouen a déposé le bilan, c’était de bosser avec les joueurs bénévolement jusqu’à ce qu’ils retrouvent un club. J’ai démarché directement les clubs pour leur proposer des joueurs. Pratiquement tous ont retrouvé un club pour rebondir. J’ai aussi récupéré des joueurs quand je suis parti à Colmar ensuite. Il y a des joueurs qui ont passé des caps, qui ont progressé sous vos ordres, et les coachs peuvent avoir envie de continuer à évoluer avec eux. Il y a tout le temps des joueurs avec qui ça se passe bien et que vous voulez continuer à suivre. Et même avec ceux qui évoluent aujourd’hui au plus haut niveau, comme Loïc Rémy ou Mehdi Benatia, on a encore de très bons rapports.
Depuis l’hiver dernier, Anthar Yahia fait partie de votre staff, mais quel est son rôle ?
Il débute dans ce domaine, c’est sa première expérience. Il assure le lien entre staff et joueurs, la coordination avec les autres équipes du club, etc… En période de mercato, il s’occupe de la relation entre le club et les agents, pour m’aider dans cette tâche. Il a la compétence et la culture du haut-niveau, c’est donc un vrai avantage. C’est toujours mieux d’avoir plusieurs paires d’yeux qu’une seule, ça peut être important.
L’an dernier, Amiens a créé la surprise en arrachant la montée au bout du bout de la saison. Vous vous attendiez à ça ?
Non, pas du tout, et pour deux raisons : avec Colmar, en National, on avait battu cette équipe deux fois. La saison passée, nous avions été gagner à Amiens, donc c’est une équipe qui m’a toujours réussi. Aussi, la saison dernière, quand on s’est déplacé à Strasbourg, nous avons senti la différence physique et technique. Mais on ne peut que les féliciter d’avoir réussi, parce qu’ils y ont cru jusqu’au bout.
Justement, ça fait quoi de se déplacer dans des stades mythiques comme Bollaert ou la Meinau ?
C’est ce qui a fait que je voulais revenir entraîner en Ligue 2. Le championnat est de plus en plus compétitif, avec des grands clubs, des grands stades. Aujourd’hui, la Ligue 2 est un des meilleurs championnats de deuxième division avec le Championship, en Angleterre. Jouer contre des équipes mythiques, ça motive forcément les joueurs en plus.
Pour finir, pourquoi avoir choisi Vichy pour venir se préparer ?
Déjà, parce que c’est l’Auvergne, et que je suis très attaché à cette région. J’ai même acheté une maison dans l’agglomération clermontoise il y a quelques années. J’ai toujours aimé cette région, avec des villes moyennes, proches de la nature. Avec Nice, j’étais déjà venu à Vichy. C’est une ville sportive et sympa à vivre, avec les terrains (le CREPS de Vichy possède de nombreux terrains, que la Slovaquie avait utilisé l’été passé pendant l’Euro, ndlr), le bord d’Allier. Ici, on est au calme, personne ne peut être distrait par l’animation. Il fait beau l’été, mais il ne fait jamais très chaud, donc les conditions sont bonnes pour tout le monde. Enfin, Vichy n’est qu’à deux heures d’Orléans, ce qui fait qu’on a pu s’entraîner dimanche matin à Orléans avant de partir à Vichy, et de se réentrainer l’après-midi, ici même.