Alerte Oranje sur le football néerlandais
Depuis quelque temps, les Pays-Bas ne se montrent plus autant qu’avant dans le monde du ballon rond. Il est loin le temps où la sélection nationale atteignait la finale de la Coupe du Monde ? Pas vraiment. En revanche, il est loin, le temps où l’Ajax Amsterdam mettait l’Europe à ses pieds. Le football néerlandais est en souffrance, alerte Oranje au plat pays.
Dimanche 29 janvier, 14h. L’heure pour moi de me rendre à l’Amsterdam ArenA, l’antre ajacide, pour assister au duel entre les locaux et le club de la Haye, voisin de 60km, Ado den Haag. Peu d’attentes envers ce match, juste celle d’assister à un match dans un nouveau pays, un nouveau stade. Celle aussi peut-être d’assister à un match de l’Ajax, cet ancien grand, qui a vu passer quelques grands noms du football.
Mais pour le reste, je n’ai pas vraiment d’espoir de voir un grand match de football. A l’image de sa sélection (voir plus bas), le championnat local (appelez-le Eredivisie) s’est appauvri avec le temps. L’Ajax et le PSV Eindhoven (y-avait-il pénalty sur Nilmar ?) n’écrasent plus le championnat. Le Feyenoord Rotterdam compte, à l’heure où j’écris ses lignes, 5 points d’avance sur le club d’Amsterdam, et 8 points sur le PSV, actuel 3ème.
Des clubs à la peine…
Mais si des clubs jouissant d’une histoire et d’un palmarès assez impressionnant rentrent dans la normalité, l’Eredivisie n’y est pas innocente. Aujourd’hui, hormis ses deux grands, peu de clubs sonnent à l’oreille de nous, francophones. A part peut-être le Feyenoord, rares sont les personnes qui connaissent l’Heraclès Almelo, le PEC Zwolle, le Roda JC… D’autres noms sont peut-être plus évocateurs (et encore…) : le FC Utrecht, club du français Sébastien Haller, Groningen, qui avait affronté Marseille en Europa League il y a trois ans ou encore le Vitesse Arnhem, soutenu financièrement par Chelsea.
L’Eredivisie n’attire pas vraiment. Peu de monde s’intéresse au championnat néerlandais, à commencer par les investisseurs. Hormis le PSV et l’Ajax, qui affichent un budget de 70 millions d’euros, les autres clubs peinent à suivre la cadence. Seulement quatre clubs néerlandais ont un budget supérieur à celui du plus petit budget de Ligue 1, le SCO d’Angers (26 millions d’euros). Six clubs de Ligue 2 (Reims, Lens, Sochaux, Le Havre, Brest et Troyes) ont même un budget supérieur à celui de huit clubs de première division aux Pays-Bas.
En termes de droits TV, c’est également la galère. En perte d’attractivité et d’éléments « vendeurs » pour le grand public, les diffuseurs ne se bousculent pas à la porte de l’Eredivisie. 80 millions d’euros par an, c’est ce qui est distribué aux 18 clubs depuis la saison 2013-2014. Ainsi, les grands clubs touchent 8 millions d’euros par an, quand les seconds couteaux de la Ligue 1 touchent trois fois plus environ. Le dernier salut du championnat passe par l’affluence dans les stades, qui atteint les 87% environ. Si le monde ne porte que trop peu d’intérêt à ce championnat (certains matchs sont diffusés sur Foot+ en France, c’est dire), les néerlandais sont encore fidèles à leurs clubs.
13èmes à l’indice UEFA, les Pays-Bas sont désormais loin des sommets. Cette année, l’AZ Alkmaar a réussi à sortir des poules européennes, finissants seconds de leur groupe, également composé du Zénit Saint-Pétersbourg, de Dundalk et du Maccabi Tel-Aviv. En 16èmes de finale, les Hollandais affronteront toutefois un bel adversaire, en la personne de l’Olympique Lyonnais.
L’Ajax a également réussi à se sortir des poules en finissant premiers de la poule G, devant le Standard de Liège, le Celta Vigo et le Panathinaikos. Un succès à relativiser toutefois, tant l’élimination des Ajacides fut lourde (défaite 4-1 chez le « Petit Poucet », le club de Rostov). Et attention à l’étape des seizièmes de finale, puisque la double rencontre face au Legia Varsovie, éliminé après avoir vendu chèrement sa peau dans une poule très relevée, sera tout sauf simple.
Difficile donc de bâtir un projet solide sans moyens, et sans résultats dans les compétitions internationales. Les rares joueurs qui se mettent en avant dans le championnat sont rapidement envoyés dans des pays plus réputés. Ainsi, Memphis Depay est parti à Manchester United, Arkadiusz Milik a rejoint Naples, Vincent Janssen joue désormais à Tottenham. Et cela devrait continuer ainsi pendant longtemps encore. Peu de chances de voir Hakim Ziyech ou Kasper Dolberg porter le maillot de l’Ajax dans deux-trois ans. Il en va de même pour le fils Kluivert, Justin de son prénom. Alors qu’il commence à faire ses premières apparitions sous le maillot du club de la capitale hollandaise, le joueur âgé de 17 ans est déjà aimé de tous à l’ArenA. Les trois devraient suivre Franco Antonucci, qui évoluait avec les U19, mais qui a rejoint l’AS Monaco cet hiver.
Enfin, pour ne pas se restreindre à l’Ajax Amsterdam, on peut aussi parler de Sébastien Haller. Le joueur de Utrecht, âgé de 22 ans, est une des stars du championnat. Méconnu en France, celui qui a été formé à Auxerre devrait cependant bientôt pouvoir rebondir dans un club plus prestigieux.
En tout cas, dans des clubs comme l’Ajax qui placent de grands objectifs dans leur formation, conserver un joueur important devient presque mission impossible. Alors que les Van der Sar, les Seedorf, Davids, Kluivert restaient un peu au club, le club d’Amsterdam se fait aujourd’hui piller dès le centre de formation. Triste pour les Lanciers, qui ont pourtant un centre plus que compétent. En est pour preuve le 11 titulaire des Pays-Bas en finale de la Coupe du Monde 2010, constitué de 7 joueurs formés à l’Ajax. En 2014 enfin, le centre de formation a été élu meilleur centre d’Europe. Rien que ça.
Le football total est mort, vive le football néerlandais
Depuis 2014, et une troisième place en Coupe du Monde obtenue après une anecdotique victoire 3-0 sur le pays hôte, le Brésil, les Oranje sont à la peine. Les meneurs de la sélection vieillissent, et aucun joueur ne semble prendre la suite. Si la France est critiquée pour ses ex-poirs, les Pays-Bas ne font pas mieux, loin de là. Memphis Depay, l’ancien du PSV, n’a pas su s’imposer à United alors que beaucoup d’espoirs étaient placés sur lui. Aujourd’hui à Lyon, il lui faudra sans doute du temps pour rêver d’un rôle de meneur en sélection. Un mélange de « vieux trop fragiles, et de jeunes trop tendres » selon le fondateur de Football Oranje.
Les différents sélectionneurs sont aussi régulièrement critiqués. Selon les supporters, van Gaal, Hiddink et Blind -actuellement en poste- oublient trop le football total, cher aux fans néerlandais. Un football spectaculaire, qui a connu ses heures de gloire à l’époque Cruyff. Chaque joueur participait aux tâches défensives comme offensives, peu importe le poste. Une philosophie basée principalement sur l’utilisation d’une formation en 4-3-3. Ainsi, van Gaal, entraîneur des Oranje pendant la Coupe du Monde 2014, a majoritairement choisi le 5-3-2 et le 3-5-2 tout au long de la compétition, n’utilisant le 4-3-3 que face au Chili, et durant les 10 premières minutes du match face au Mexique, en huitièmes de finale.
Désespoir donc pour les fans, surtout vu les piètres performances actuelles des néerlandais, avec 11 victoires en 26 matchs depuis la coupe du Monde 2014, plus une élimination dans un groupe abordable pour les qualifications de l’Euro 2016 (République tchèque, Islande, Turquie, Kazakhstan, Lettonie). Et même si les Oranje pointent à la deuxième place à trois points des Bleus dans le groupe A de qualification à la Coupe du Monde, il n’y a pas de raisons de s’emballer pour autant. Les seuls réels adversaires du groupe sont la Suède (où les Pays-Bas ont été faire match nul en septembre) et la France (défaite 1-0 des néerlandais à domicile). Le Luxembourg et la Biélorussie sont eux en dessous du niveau affiché par ses trois équipes, mais la Bulgarie pourrait gêner les Pays-Bas plus que prévu, alors qu’un autre faux pas mettrait déjà les hollandais dans une situation périlleuse. Et les anciennes légendes du football néerlandais s’inquiètent : « En ce moment, le football hollandais est un désastre, et cela me fait mal. Je veux que la Hollande aille à la Coupe du monde. » déclarait Ruud Gullit après l’élimination des Oranje de la course à l’Euro.
Des motifs d’espoirs ?
Pour lutter face à ce déclin persistant depuis 2014, la Fédération a convoqué de nombreux experts du pays et de l’étranger pour constituer un rapport final, le Winnaars van morgen (les champions de demain). Ce rapport demande des améliorations au niveau de la détection et de la formation. Il demande aux entraîneurs et sélectionneurs des équipes de jeunes de ne plus se focaliser uniquement sur la technique, comme c’est le cas depuis les glorieuses heures du football hollandais. Désormais, les coachs doivent aussi faire du physique et du mental des éléments importants de la formation des jeunes joueurs.
Un fossé qui se creuse donc, entre le Football Total et le football d’aujourd’hui, comme le racontait Edouard Duplan, joueur de Ado den Haag, dans les colonnes de 20 Minutes : « Les Hollandais ont une vision romantique du football. C’est d’ailleurs un peu le problème face à un foot plus physique et « opportuniste » aujourd’hui. Ils ne sont pas prêts, il n’y a qu’à voir les résultats en Coupe d’Europe. Cette philosophie est un héritage fantastique et en même temps ils en sont victimes ». Pour faire face à cela, les Pays-Bas forment désormais « de vrais défenseurs » comme l’assure le joueur de Ado.
Et si la seule solution pour les Oranje (et l’Eredivisie) était de rentrer dans le rang ? Arrêter de promouvoir un football différent, basé sur le jeu, pour rentrer dans un football plus « mondialisé », où chacun occupe son poste sans se préoccuper du poste des autres. Un football qui attire diffuseurs et grandes fortunes. Un football moderne en somme.